Jean Zaganiaris

Né le 4 mai 1971 à Lansdale aux États-Unis, Jean Zaganiaris est un philosophe et sociologue français. Parmi ses publications académiques : Penser l'obscurantisme aujourd'hui (2009), Un printemps de désirs (2014), Parlez-moi de littérature (2017). Il est également l'auteur de deux romans : Le périple des hommes amoureux (2015) et Un coeur marocain (2018).Il a participé régulièrement aux émissions politiques Avec ou sans parure sur Luxe Radio (Casablanca) et a publié des chroniques littéraires dans le journal marocain Libération. 

Pourquoi avez-vous choisi de mettre la relation entre Adam et Shahrazade au cœur de votre roman ? Quel message souhaitiez-vous transmettre à travers cette histoire de couple ? Quels sont les points de convergence avec Madame Bovary de Flaubert ?

En écrivant Adam Bofary, mon but était de faire revivre Madame Bovary au cours des années 2010, à Marrakech, et de la réincarner en homme. Il s'agit de jouer avec le roman de Flaubert, de le raconter autrement tout en en gardant la trame. La relation entre Adam et Shahrazade est centrale dans mon roman car celle entre Emma et Charles Bovary l'est aussi dans le roman de Flaubert. Il s'agit de montrer les désillusions de cet homme, ses sentiments mélancoliques, ses rêves d'ascension sociale et le rapport ambivalent à son épouse. Le message à faire passer : méfiez-vous des apparences, surtout dans le jeu de l'amour et de la séduction.



Le personnage d'Adam est très complexe, oscillant entre moments de dépression et de lucidité. Comment avez-vous travaillé pour donner une telle profondeur psychologique à ce personnage ?

J'ai essayé de me mettre à sa place, de visualiser ce qu'il était en train de vivre depuis son licenciement, sa façon de se percevoir par rapport à son épouse qui continue de travailler. J'ai essayé de comprendre la situation de vulnérabilité d'Adam, à qui l'on fait sentir son inutilité au sein de la société. De ce point de vue, mon roman est une charge contre certaines conceptions managériales contemporaines qui font de l'humain quelque chose de superflu, de pas important. Et puis le roman de Flaubert, Madame Bovary, a été une boussole importante. J'ai lu et relu les émotions d'Emma, sa souffrance, notamment lors de la rupture avec Rodolphe, et les ai transposées, à ma manière, à ce que pouvait ressentir Adam, seul chez lui ou errant dans les nuits de Marrakech, sans réelle perspective d'avenir.

Le roman aborde des thèmes très sombres comme le suicide, la solitude et la dépression. Pourquoi avoir choisi d'explorer ces sujets difficiles ?

D'une part, parce qu'ils sont dans le roman de Flaubert. C'était important pour moi de jouer à ce jeu de la réécriture, à l'instar de James Joyce avec l'Odyssée d'Homère, et de reprendre cela à mon compte, pour en faire autre chose que ce qu'il en fait. D'autre part, parce que ces phénomènes sont omniprésents dans notre monde contemporain. J'ai écrit Adam Bofary dans un contexte où la crise économique grecque faisait des ravages et où des gens mettaient fin à leurs jours car ils s'étaient retrouvés seuls dans le plus grand dénuement, je l'ai écrit dans un contexte où je voyais des gens autour de moi perdre leur boulot et à qui on expliquait cyniquement que personne n'est irremplaçable.


La description de la ville de Marrakech et de ses contrastes joue un rôle important dans le récit. Quel lien voyez-vous entre l'environnement urbain et la psychologie des personnages ?

La ville de Marrakech est un personnage à part entière dans Adam Bofary. J'ai voulu que l'on sente la présence de cette architecture, de ces couleurs, de ces lieux parfois aux marges. Adam marche souvent le long de murs ocre fissurés. On en voit beaucoup à Marrakech. Et en même temps, ces fissures sont dans le cœur d'Adam. Il sent que tout est en train de se briser lentement dans sa vie.


Que souhaitiez-vous dire sur l'importance des liens sociaux et familiaux, notamment à travers les relations d'Adam avec ses amis et sa fille Batoul ?

Les amis d'Adam ont tous leur alter ego dans le roman de Flaubert. Ils font partie de cet entourage qui paradoxalement l'enfonce davantage dans sa solitude. Il en est de même pour Batoul, présente dans Madame Bovary sous le prénom de Berthe. Adam aime très fort sa fille mais avec il n'arrive pas à avoir de bons moments avec elle à cause de sa dépression. Le rapport d'Adam avec sa fille montre le problème de l'incommunicabilité, le tragique d'une existence où il est difficile d'aller vers l'autre. Mais Batoul est aussi son rayon de soleil, cette petite lumière en lui qui empêche les ténèbres de le dévorer complètement.

Adam Bofary

Comment se comporterait Madame Bovary si elle réapparaissait aujourd'hui ? Quels seraient ses nouveaux rêves d'ascension sociale ? Où chercherait-elle « la passion, l'ivresse et la félicité » ? Quelle serait la nature des relations entretenues avec ses amants ? Connaîtrait-elle le même destin tragique ? Est-ce que la vie de Madame Bovary serait la même si elle se réincarnait en homme ?C'est ainsi qu'est né Adam Bofary. Cliquez ici pour l'acheter