Julie Fontaine

Née en région parisienne, Julie Fontaine quitte la France pour le Maroc après avoir obtenu un doctorat en Philosophie pour son travail sur les intuitions. Elle enseigne les Lettres et la Philosophie au Lycée Lyautey de Casablanca. Elle espère faire connaître ses œuvres au grand public et pouvoir consacrer plus de temps à sa première passion: l'écriture.

Julie Fontaine, quelle a été votre démarche pour intégrer une prose poétique et introspective dans votre roman ?

Je ne pense pas avoir délibérément choisi ce style d'écriture. Plutôt, mes pensées ont tendance à rimer. Je n'ai pas besoin de compter ou de traquer les images : je ne sais pas écrire autrement. D'autant plus quand je tente de penser à la façon de mes personnages. Mehdi et Zahra sont constamment happés par leur quête d'identité, il est donc naturel que leur réflexion tende vers l'introspection. Ils ont tous deux une fibre artistique, une esthétique et une sensibilité exacerbées. On pourrait presque dire qu'ils sont poétiques eux-mêmes. Comme je ne fais que retranscrire ce que mes personnages peuvent penser, sentir ou imaginer, j'ai gardé leur inspiration première : quelque chose de métaphorique, hautement symbolique, souvent réflexif. Si je devais raconter l'histoire d'un aventurier de l'extrême, j'imagine que ma prose serait moins précieuse et plus épique. Ce sont mes personnages qui dictent mon style.


Comment avez-vous conçu l'évolution psychologique de Zahra et Mehdi tout au long du récit ?

Je ne suis pas sûre que leur psychologie évolue tellement. C'est vrai que mes personnages sont amenés à vivre des révélations majeures et des expériences bouleversantes. Le genre de grands moments qui peut tout changer. En ce sens, il serait juste de dire qu'ils évoluent, sensiblement, entre la situation initiale et le dénouement. Mais leur façon de penser, d'être et de ressentir reste stable.

D'autre part, je n'ai rien conçu. J'ai laissé l'histoire se dérouler elle-même. C'est un processus qui peut sembler un peu mystique, mais une fois que je parviens à me représenter mes personnages, leur histoire ne m'appartient plus. Je tente seulement de la comprendre, de la décomposer, pour mieux la décrire.

Au mieux, si je suis bien l'auteure de cette histoire et si j'ai bien créé mes personnages, une grande part de ce travail reste opaque, sans doute inconscient.

Pourquoi ces thèmes sont-ils centraux dans votre œuvre, et comment reflètent-ils vos propres réflexions ?

La question de l'identité est un problème classique et, du point de vue des sciences humaines, c'est un enjeu de premier ordre. D'abord, tant que l'on ne se comprend pas soi-même, on ne peut pas se maîtriser. 

On ne fait pas toujours les bons choix. On s'expose à la déception. Et on peut difficilement cohabiter avec les autres. Je pense que ce thème m'attire particulièrement dans la mesure où j'ai passé beaucoup de temps à vivre dans une solitude bienfaitrice, à essayer de me comprendre ou de me définir. Dans le même temps, je tentais de vivre des expériences intenses, de me saisir dans la diversité. J'ai beaucoup appris et ces acquis sont un rempart formidable face à l'adversité. Aussi, la connaissance de soi est un chemin qui ne connait pas de borne. Non seulement elle est indispensable pour s'accomplir, mais elle reste une énigme de tous les instants. Elle est une source d'inspiration constante.

Dans ce roman, j'explore également la question de l'hérédité, plus spécifiquement les enjeux d'une psychogénéalogie. Soit, l'idée que nous sommes influencés par le vécu de nos ancêtres. Pour le définir en très peu de mots ou de façon sommaire. C'est une hypothèse qui me fascine, dans la mesure où j'ai longtemps cherché à vivre de façon très indépendante et à me démarquer assez vite de la cellule familiale. Pour Mehdi et Zahra, cet héritage se présente à la fois comme un poison et comme son antidote. Leur histoire m'a permis de comprendre qu'on ne peut pas échapper à ces influences et qu'il vaut mieux les explorer, si l'on veut s'en affranchir.

Enfin, je trouve assez remarquable la relation, parfois tumultueuse, entre la folie et la créativité. Mehdi et Zahra se perdent trop souvent dans des raisonnements confus, des pensées étranges. Mais ce sont des artistes. Ils ont appris à sublimer les pulsions qui les animent, à transformer en œuvres ou en pratiques cette énergie, parfois destructrice, qui s'empare de leurs pensées. C'est un thème qui me parle d'autant plus que je fais constamment l'expérience de cette aliénation, quand je commence à créer.

Quel rôle jouent les rêves et les souvenirs dans la construction narrative et psychologique de vos personnages ?

Je ne me souviens jamais, dans le détail, de mes rêves nocturnes. Mais mes rêves éveillés jouent un rôle indéniable. Songer : voilà tout le talent d'un écrivain. Le reste n'est que technique. Songer, c'est-à-dire : s'acquitter du principe de réalité pour explorer une idée, un symbole, le possible ou le concevable. Quand je travaille sur un projet d'écriture, une grande part de mon activité consiste à me réfugier dans une bulle et à faire dérouler en pensée des images et des scènes, à écouter mes personnages ou à leur parler. Les souvenirs n'ont aucune place dans ce processus. Ou bien, je n'en suis pas consciente. Car les souvenirs me ramènent à ma propre personne, ils m'appartiennent. Or, j'ai besoin de me quitter moi-même pour quitter la réalité.


Quelles sont vos principales influences littéraires et philosophiques qui ont inspiré Le miroir de l'aube  ?

Toute la littérature sur la question de l'identité m'a influencée, c'est certain. Les grands classiques : du Charmide de Platon au cogito cartésien, du tigre de Nietzsche au scepticisme de Hume, pour n'en citer que quelques-uns. Descartes proposait que douter que l'on existe, c'est en donner la preuve logique, puisque si l'on doute, c'est que l'on existe. Nietzsche avait une réplique : savoir que l'on existe, ce n'est pas savoir qui l'on est. Hume affirmait que l'on ne perçoit en soi que des états passagers, donc rien de stable qui correspondrait au concept d'une identité. Platon insistait plutôt sur la nécessité de se connaître pour se gouverner soi-même et connaître le monde. La question de la connaissance de soi, je l'enseigne. J'imagine qu'une grande partie de mes inspirations vient de mon activité professionnelle, des échanges que j'ai avec mes élèves, autant que des auteurs qui ont défendu leurs idées.

Je serais bien en difficulté de citer une influence littéraire, cependant. Je lis et enseigne tant de choses différentes que je ne sais pas trop ce qui a pu m'influencer. Et je ne trouve rien, dans ma bibliographie, qui ressemble à mon roman. Adolescente, la lecture de Baudelaire et de Rimbaud, m'a traumatisée. Ceci explique peut-être mon amour de la poésie.

Le miroir de l'aube

Lorsqu'un inconnu se présente à lui un matin d'automne, Mehdi est encore loin d'imaginer tous les secrets qu'il s'apprête à découvrir. Il ignore que sa sœur jumelle, Zahra, vient de faire la même rencontre. A vrai dire, il ignore encore tout de son passé... Un passé surprenant, crispé d'abandons silencieux. Un héritage difficile, mais salvateur. Le seul à comprendre quelque chose de ce destin croisé, c'est leur thérapeute. Cliquez ici pour l'acheter