Moha Souag

Moha Souag est né à Boudenib, dans le sud-est du Maroc où il a longtemps enseigné le français. Il fait ses études primaires et secondaires au Lycée Sijilmassa de Ksar-es-souk (Errachidia) puis des études de droit et de littérature à Rabat et à Fès. Il a obtenu le prix de la meilleure nouvelle française en 1991, prix organisé par RFI.

Pourquoi avez-vous choisi de raconter cette histoire à travers les yeux de Hakim plutôt que de Sophie ? Quels sont les avantages et les défis de cette approche narrative ?

L'idée est née d'abord pendant un voyage en France où j'ai découvert une plaque commémorative des soldats marocains qui ont participé à la seconde guerre mondiale et je me suis posé la question de savoir si ces hommes n'avaient pas eu un contact avec les Français. Puis je me suis rendu compte que la plupart ne parlaient même pas darija. Puis je me suis dit que des étudiants marocains maîtrisant bien le français étaient là depuis les premières années de la colonisation. Certains Marocains avaient obtenu leur baccalauréat dès les années 1920. Et c'est ainsi que l'idée s'est développée pour aboutir au fait que les moyens de communications actuels pouvaient faciliter les retrouvailles sans remonter ni à 1920 ni à 1945. Donc le premier problème était d'abord de situer le roman dans l'espace et le temps. L'histoire de la France est connue sous tous les angles. Leurs historiens, leurs journalistes ainsi que leurs romanciers ou leurs poètes ont décortiqué tous les aspects de la vie à travers les siècles de ce pays et de son peuple. Par contre, qu'elle est l'histoire de l'amour au Maroc ? En prenant Sophie comme personnage féminin du roman, je voulais mettre Hakim et son éducation en question. Comment allait-il réagir face à une personne aux cultures complexes? Plus largement comment le Maroc a-t-il vécu tous les chamboulements qui ont accompagné la colonisation ?


Le thème de la mémoire joue un rôle central dans le roman. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'importance que vous accordez à la façon dont le passé influence le présent des personnages ?

Nous sommes comme les arbres nous gardons à l'intérieur de notre écorce toute notre histoire. Seulement l'être humain n'a pas une mémoire fiable. Notre cerveau ne garde pas en l'état tout ce qu'il mémorise. Il le transforme, l'interprète selon d'autres critères que le cerveau reçoit tout le long de la vie. Nous sommes toujours dans le questionnement à savoir si la vie de l'être humain est libre ou déterminée. C'est de là que les prises de positions partent : ceux qui ne peuvent pas assumer leurs actes optent pour la religion ou la magie pour se désengager de leurs responsabilités. C'est toujours l'autre qui est responsable de nos actes. Ceux qui optent pour le libre arbitre n'acceptent tels qu'ils sont et assument aussi bien leur inconscient (donc leur mémoire) que leur conscient (leur vie sociale en général). Le passé ne peut pas déterminer un avenir si on est conscient de ce passé. Je parle du passé social, c'est-à-dire, le lieu où les échelles de valeurs bâties par la société placent une personne.

Votre description des magouilles et des activités illégales des pères de Hakim et Sophie est très détaillée. Vous inspirez-vous d'événements réels ou est-ce une construction fictionnelle ?

C'est purement fictionnel. J'ai choisi le cinéma car c'est un lieu de mémoire et de l'importance de l'image créée d'une société. La magouille dans l'audiovisuel est un brouillage d'image ou pire, l'effacement de l'image. Le Marocain n'existe pas car il n'a pas d'image contrairement à l'Égyptien, le Libanais, le Syrien maintenant le Turc et le Coréen. Le cinéma a complètement effacé tout ce qui est marocain.

Le personnage de Sophie est particulièrement complexe et soulève des questions sur les attentes de la société envers les femmes. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre volonté de créer un personnage féminin aussi nuancé ?

Sophie n'est pas marocaine donc je n'attendais rien d'elle. Elle était pour moi le miroir de ce que serait une femme marocaine émancipée dans le sens où elle serait indépendante et libre de décider par elle même de sa vie. Une Marocaine mettrait les formes pour se séparer de son conjoint. Sophie vivait ses vies dans sa vie de couple. Le mariage ne semblait pas être son projet de vie principal. C'était pour elle une étape en attendant de penser à une autre.Je voulais l'image d'une femme libre qui pourrait du jour au lendemain changer de vie car elle a derrière elle une société et une législation qui la protège. C'est ce qui a déséquilibré Hakim.

Le roman aborde des thèmes universels comme l'amour, la trahison et la quête d'identité. Pourquoi avez-vous choisi de situer cette histoire dans un contexte marocain spécifique ?

Le contexte marocain est aussi universel que n'importe quel autre pays. C'est à chacun de nous de faire le travail. Ce qui ne me semble pas être le but de tout le monde.Nous avons au Maroc une richesse culturelle inouïe mais qui est malheureusement ignorée et parfois rejetée et cela est très grave. Ce comportement du rejet de sa propre culture et de sa propre personnalité relève de la psychologie sociale. Il ne s'agit malheureusement pas d'une personne mais de l'élite de tout un pays.

Mon ex a appelé

Le roman Mon ex a appelé de Moha Souag suit l'histoire de Hakim, un homme marié à Sophie qui l'a quitté des années auparavant pour aller vivre aux États-Unis. Alors que Hakim a refait sa vie avec Nora, il reçoit un appel de Sophie qui lui demande de la rencontrer à Marrakech. Hakim accepte et se rend à l'hôtel où elle l'attend. Leur rencontre ravive de vieux souvenirs et réveille en Hakim des émotions qu'il croyait avoir enterrées. Cliquez ici pour l'acheter