Patrick Lowie

Patrick Lowie, né à Bruxelles et résidant à Casablanca depuis 2019, est un écrivain, éditeur, artiste plasticien et metteur en scène belge de langue française. Il a publié une vingtaine de livres.

Patrick Lowie, quelle a été votre inspiration pour écrire ce texte sous forme de trente phrases ? Pourquoi avoir choisi cette structure particulière ?

Ce livre n'a pas eu besoin d'inspiration. Je l'ai écrit en quelques jours, à Marrakech, je me suis imaginé un homme enfermé dans un processus où il subissait la puissance invisible de la magie noire. Pris au piège d'une femme, d'une ville ou des deux. Il s'agit donc d'une libération, d'une séance de désenvoûtement. Je me sens très proche des écrivains surréalistes et Marrakech désamour fait partie de cette méthode de création littéraire dans laquelle l'écrivain supprime le contrôle conscient sur le processus de création, permettant ainsi à l'inconscient d'avoir une grande influence. C'est donc mon inconscient que vous lisez en lisant ce livre. Un livre ne devrait pas être normalisé et donc il n'y a pas de structure particulière dans ce cas-ci. Oui, je m'étais mis une règle : trente phrases sans virgule. Pour permettre au lecteur de choisir sa propre ponctuation. C'est un texte à lire à haute voix aussi, ce qui va donner forcément une sensation de transe, de souffle poétique.


Le narrateur semble établir un lien très fort, presque fusionnel, avec la ville de Marrakech. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à explorer cette relation entre un individu et un lieu ?

Le narrateur ne peut écrire ainsi, agir ainsi, penser ainsi, que s'il a un lien fusionnel. Il s'agit ici de la ville de Marrakech mais ça pourrait être avec une personne qu'on aime ou avec Glasgow. Un lien fusionnel, c'est-à-dire AIMER. J'ai vécu six années à Marrakech et cette ville m'était au début indifférente, énervante, puis j'ai découvert des liens invisibles, des histoires cachées, derrière le tourisme de masse et des habitants enfermés dans des relations liées exclusivement à l'argent, il y a aussi la magie, les relations toxiques, les suicides et les meurtres. Derrière son image de ville de rêve, Marrakech peut être un enfer. C'est une ville mystique et plus religieuse qu'elle n'apparaît. Ceux qui ne voient que de la perversité à Marrakech n'ont rien compris. J'ai toujours écrit sur les relations entre mes personnages et les lieux dans mes précédents livres, c'était déjà le cas avec Lisbonne, Erfoud et Rome.

Votre écriture oscille entre des moments de grande poésie et d'autres plus acerbes, voire violents. Comment avez-vous cherché à traduire cette dualité dans votre style ?

La poésie est poésie, elle peut-être acerbe, violente, politique, fade ou même guimauve, cela reste de la poésie. La dualité que vous évoquez dans mon style d'écriture n'est en réalité que le reflet de la complexité de la condition humaine. La poésie permet d'exprimer toute la palette des émotions, des plus douces aux plus intenses. Loin d'être une contradiction, cette alternance entre moments poétiques et passages plus acerbes ou violents traduit la richesse et la profondeur de ma voix d'auteur. Le narrateur exprime ses sentiments avec des moments de douceur, des moments de regrets ou des moments de violence parce que c'est ce qu'il vit dans sa pensée la plus intime. Je ne pourrais pas écrire et publier le texte d'une relation fade entre deux personnages, cela ne m'intéresse pas. Il y a toujours de la violence dans la vie, ne fut-ce que celle qu'on s'impose. Loin d'être une dualité forcée, cette alternance de tons et de registres est en fait la marque d'une voix intérieure, singulière, pleinement assumée. Je refuse de lisser ou d'édulcorer mes propos, préférant faire entendre les contradictions, les joies et les tourments qui traversent l'être humain. C'est cette authenticité, cette volonté de ne rien occulter, qui fait toute la force et la résonance de mon écriture poétique.


Le personnage principal est un narrateur anonyme. Pourquoi avoir choisi de ne pas le nommer et de laisser son identité dans l'ombre ?

Pour que chaque lecteur puisse s'identifier à lui. Le narrateur est un homme, mais ce sont les femmes qui me parlent beaucoup de ce texte. Peut-être que mon narrateur est une narratrice. Qui le sait ? J'aime laisser des parts d'ombre dans mes textes.


Au-delà de l'histoire d'amour entre le narrateur et Marrakech, quels sont les thèmes plus larges que vous avez souhaité aborder à travers ce récit ?

C'est amusant que vous parliez d'histoire d'amour alors que le titre parle de désamour. Le désamour que vous évoquez n'est sans doute pas seulement celui d'un individu envers un lieu, mais est peut-être le reflet d'un malaise existentiel plus vaste. Encore une fois, je n'ai jamais réfléchi à la structure de ce livre ou aux thèmes que je souhaitais aborder. C'est de l'écriture automatique surréaliste. Rien d'autre. Mais en fin de compte, on pourra constater que mon texte ne se contente pas de décrire une rupture amoureuse, il semble vouloir explorer les thèmes de l'errance, du désenchantement, voire de l'aliénation de l'individu face à un monde qui lui échappe. Le narrateur, en proie à des émotions contradictoires, incarne peut-être la difficulté de l'homme moderne à trouver un sens et une stabilité dans un univers en constante mutation. On pourrait imaginer que j'étais à la recherche d'une forme de vérité universelle sur la condition humaine contemporaine - ses doutes, ses fragilités, mais aussi sa quête de sens. Plutôt qu'une simple histoire de désamour, c'est une réflexion d'ordre philosophique et existentiel que je propose au lecteur. 

Marrakech, désamour.

Lorsqu'un inconnu se présente à lui un matin d'automne, Mehdi est encore loin d'imaginer tous les secrets qu'il s'apprête à découvrir. Il ignore que sa sœur jumelle, Zahra, vient de faire la même rencontre. A vrai dire, il ignore encore tout de son passé... Un passé surprenant, crispé d'abandons silencieux. Un héritage difficile, mais salvateur. Le seul à comprendre quelque chose de ce destin croisé, c'est leur thérapeute. Cliquez ici pour l'acheter